Dernière modification le 8 juillet 2025
Derrière la gouvernance des données se cache l’ambition data ultime, que les données soient un élément quotidien naturel de la vie d’une organisation dans ses décisions, dans ses actions, dans sa stratégie, dans sa communication, dans ses conversations… dans sa valorisation.
En sachant que tout ne relève pas des données et que tout ne peut pas s’abstraire des données.
Une fois dit cela, qu’est-ce que peut faire la gouvernance et comment ?
Avec un constat souvent partagé, que la gouvernance échoue à atteindre cette ambition ultime et aboutit à des initiatives partielles souvent toujours les mêmes aux réussites variables : des rôles data, un catalogue de données, des programmes data quality et réglementaires, des politiques de données (moins fréquent), la décision de mettre en place une data platform centrale.
Et un sentiment diffus de frustration de ne pas aller au bout de l’exploitation des données, de ne pas toucher tout le monde (la data c’est réservé à une communauté), d’un portefeuille de cas d’usage qu’on aimerait plus important, de quelque chose en plus, difficile à caser dans son quotidien, de se heurter à un désintéressement poli jusqu’au rejet des données..
Commentaire off résumé d’un CDO lucide « Les décisions hiérarchiques de gouvernance, les comités de gouvernance, l’attribution de rôles data, l’expression de politiques de données, les ateliers participatifs de gouvernance, les messes de communication sur la gouvernance… autant d’illusions voire de décors de gouvernance (certains parlent de simulacres). La vraie question est de savoir si la gouvernance a atteint et modifié la racine des données, engendré des données et les comportements associés, le tout ancrés structurellement dans l’organisation. »
Il y aurait un plafond de verre de la gouvernance des données.
Et ce plafond de verre est lié à ce que sont fondamentalement les données :
- Les données sont des objets numériques conçus et sauf si votre S.I. a été prévu dès le départ data/metadata centric, pour les gouverner il faut mettre en place un système de système (des métadonnées à créer et à récupérer, des outils à mettre en place…). Un tel système coute cher (a minima en termes de production et d’intégrations) et c’est une première part du plafond de verre.
- Dans la lignée du point précédent, ceux qui sont à la base de la définition des données, de leur naissance, de leur environnement de vie et des choix associés, c’est-à-dire, les équipes projets informatique, de maintenance, MOA/AMOA, développeurs, architectes devraient être au cœur de la gouvernance … dans le code (les données sont du code). Les initiatives de gouvernance atteignent difficilement ce cœur, ce contexte de construction. Il suffit par exemple de faire l’expérience du contrôle d’implémentation d’une politique de données entre sa rédaction souvent non suffisamment formelle et ce que l’on retrouve dans le code applicatif (parfois rien).
- Toujours dans cette lignée, ceux qui permettent aux données de naître, de vivre, de circuler au quotidien doivent également être embarqués. Méconnus, non valorisés, ils jonglent entre les applications, extraient des données, les transforment, les consolident, les réinjectent pour d’autres personnes, détectent les défauts de qualité immédiatement parce qu’ils vivent au sein des processus (qui sans eux ne tourneraient plus) et ont une connaissance du contexte d’exécution que beaucoup ignorent. A une époque, on appelait ces personnes : « IT human middleware » … qui avec l’IA deviennent des « human as tools ».
- Une deuxième part du plafond de verre, c’est l’idée de croire que l’appropriation des données et donc la gouvernance des données réussira au travers d’une « centrale data », c’est-à-dire une équipe data centrale plus une data platform … centrale. Malheureusement l’expérience montre que c’est un mythe. Partiellement cela peut marcher, ou encore une fois si dès le départ on parle de business / métier data centric. Mais majoritairement les déboires de la centralisation sont connus. Avec en particulier celui de l’incapacité de maîtriser tous les contextes, les univers locaux dans lesquels les données sont actives. Fondamentalement une donnée sans contexte (métier, de construction et d’exécution) n’a pas de sens. Les déplacer dans une « centrale data » cela coute cher, c’est le risque assuré de perdre une part du contexte, l’intelligibilité qui va avec et donc conduire à la sous exploitation des données.
- Dans la suite de l’idée de contexte et d’intelligibilité des données, il y a une troisième part du plafond de verre à dépasser, croire que les données comme représentation d’un univers, d’un contexte métier numérisé peuvent faire l’objet d’une attention « à côté ». C’est-à-dire comme une 3ème composante entre la vision métier et la vision IT (numérique). Déjà entre les deux interlocuteurs métier et IT, la répartition des responsabilités, les dialogues ne sont pas toujours faciles, rajouter un 3ème interlocuteur ne fait que rendre encore plus difficile cette situation. La gouvernance des données n’est pas une sous gouvernance de l’IT, ni métier. Elle est alignée, intégrée à ces gouvernances jusque dans leurs déclinaisons terrain.
- Pour terminer, peut-être le plus important, si l’ensemble de l’organisation ne sait pas penser data de bout en bout, c’est-à-dire de la conception des données, en passant par leur naissance, la maîtrise de leurs environnements, jusqu’à leur utilisation et réutilisation, alors la gouvernance des données ne possède pas l’assise suffisante pour s’exprimer. Son premier devoir est de s’assurer de cette assise. Savoir penser data permet de comprendre toute l’importance des acteurs à la naissance des données, de dépasser les exercices limités d’identification des besoins data où on s’arrête à demander quels sont vos besoins, de jouer en toute connaissance de cause avec le contexte des données, de produire localement et globalement de la valeur au travers de la circulation des données et de leurs rapprochements. Savoir penser data s’apprend, s’exerce et cela doit être une préoccupation centrale de la gouvernance des données.
Les données sont des objets vivants, qui sont le reflet d’une définition construite, qui naissent et vivent dans des environnements techniques et humains, qui ne sont pas neutres mais la transcription de choix et qui pour être intelligibles, avoir du sens, doivent être accompagnées de leur contexte (ce qui les définis et les a défini, ce qui les fait naitre et les fait vivre, ce qui constitue leur cadre d’utilisation).
Sans une accroche forte sur ces fondamentaux, la gouvernance des données ne brisera pas son plafond de verre.
Juste mon point de vue…
PS : à la suite de la publication de cet article, je vous partage la synthèse de plusieurs retours qui vont dans le même sens (j’ai aussi tenté l’expérience). Lorsqu’on demande à des responsables data (Direction Data, Equipe Data, CDO) où en êtes-vous ? Invariablement la réponse tourne autour de problématiques techniques, de la mise en place de solutions techniques data platforms… en plus (« à côté » – voir https://www.datassence.fr/2023/10/02/je-naime-pas-la-data-a-cote/). Parce qu’au moins cela donne l’illusion que cela avance et que l’on peut parler de réalisations ? Et avec un paradoxe fort, c’est comme si l’emballage, le conteneur prévalaient sur l’aspect contenu … c’est-à-dire les données.
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